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    Manque de rituels, rituels manqués et deuil… durant le confinement

    Ce matin, à France Musique, un auditeur racontait que sa grand-mère venait de mourir dans une EHPAD, Seule et isolée de toute la famille. Il regrettait de ne pas avoir pu pratiquer les rituels de deuil ainsi que les rassemblements coutumiers dans ces circonstances, circonstances dramatiques de la pandémie qui empêchait et interdisait absolument toute réunion.

    Normalement quand un membre de la famille disparaît, se mettent en place toute une succession de comportements ritualisés qui introduisent la question de cette séparation définitive imposées par la mort.

    Cette question pose celle de la nécessité psychosociale de ce que l’on nomme les « rituels de deuil », mais aussi la question beaucoup plus globale de tous ces petits gestes du quotidien qui sont en réalité des « rituels sociaux » absolument incontournables. Essayez donc de passer à côté de votre voisin sans lui dire simplement « bonjour », et vous passerez pour un malotru.  Vous aurez simplement négligé un rituel social incontournable.

    D’autres petits comportements sont également des rituels auxquels nous sommes tellement habitués, que nous ne les distinguons même plus en tant que tels. Celui de se serrer la main ou de se faire une bise quand on se rencontre le matin au café ou ailleurs, celui de lancer un bonjour à la cantonade aux collègues de bureau ou à la famille quand on arrive au petit déjeune, de se dire bon appétit, juste au moment du repas, et bonne nuit le soir, par exemple… etc. etc…

    En ces temps perturbés de pandémie, une grande partie de ses rituels sociaux sont devenus impossibles, autant celui de s’embrasser le matin, entre copains, que celui beaucoup plus important du deuil et des obsèques.

    Le monsieur qui parlait ce matin à la radio expliquait son trouble et le désarroi de ses proches devant cette impossibilité d’accompagner leur grand-mère dans son dernier voyage.

    On lui avait dit que le corps avait été immédiatement mis en bière et incinéré, et qu’il récupérerait l’urne plus tard. Ce qui l’avait plongé dans un sentiment profond de désarroi, et de culpabilité de ne pouvoir accompagner sa parente…

    Se réunir, se regrouper ensemble autour du défunt, et se rassurer et se convaincre qu’on est toujours vivant, se raconter des histoires du défunt, rire de lui de nous avec lui, se souvenir de moments passés ensemble, tout cela autour d’un boire et de manger en commun font partie de ces rituels absolument incontournable qui existe depuis l’aube de l’humanité.

    Nous en avons pour preuve les tombes de Neandertal découverte, vieille de 500 à 600 mille ans et qui prouvaient que déjà l’être humain de ces temps reculés avaient une notion très particulière de la mort et donc de ce qu’il fallait faire, de comment il fallait se comporter pour accompagner le défunt dans son dernier voyage.

    Alors comment faire sans cette possibilité de ritualiser autour de la mort et ce quelles que soient nos convictions philosophiques et religieuses, quels que soient nos rituels habituels de ce moment unique dans la vie de celui qui nous quitte, c’est-à-dire sa mort.

    Caroline Eliachef dans son entretien à France Culture du 6 avril dernier expliquait que ses rituels manqués avaient été rendus impossibles en temps de guerre, du fait des villes détruites, des corps disparus, ou tout autre empêchement de ce type ; et pourtant, après les guerres, on avait réalisé des cérémonies de tous ordres, on a construit des lieux symboliques et mémoriels, ( ossuaire de Verdun, cimetières de soldats, et flamme du soldat inconnu…) et ce, lors des reconstitutions cérémonieuses de rituels de deuils bien après coup, bien après les disparitions déplorées.

    Dans le cadre du confinement dû à la pandémie, on pense que ces cérémonies aujourd’hui  impossibles pourront être repoussées, déplacées dans le temps, remises à plus tard, à quand ça sera fini, à quand on pourra de nouveau se regrouper, pour penser au défunt disparus, pour penser et éventuellement prier ensemble selon ses convictions philosophiques et religieuses.

    Ce n’est qu’une remise dans le temps à plus tard rendue obligatoire par les circonstances temporelles actuelles.

    Et, même, pourquoi ne pas imaginer organiser, grâce aux moyens vidéos, une cérémonie ensemble, chacun chez soi, avec Skype, ou Zoom, tous en ligne, pour prendre un moment rituel ensemble, sur écran peut-être, mais ensemble… ? pourquoi pas ???

    Des orchestres le font, des chanteurs le font, des psychologues organisent des séminaires de réflexion pourquoi on ne ferait pas une cérémonie dans ces conditions ?

    Il reste quand même une chose à examiner, une certaine forme de culpabilité, une culpabilité probablement provoquée par l’impossibilité du rituel, culpabilité qui pourrait parfois relancer des symptômes en lien avec un traumatisme psychique.

    Or, ne pas réaliser ces rituels de deuil, vient interroger cette culpabilité, qui est plus ou moins consciente, qui accompagne toujours l’inconscient humain, culpabilité, surtout, chez les personnes qui ont des parents, ou des grands parents en EHPAD, de ne pouvoir être là, de ne pouvoir les garder à leurs côtés.

    La culpabilité est une vieille compagne de notre psyché, elle est directement corrélée à nos désirs interdits, désirs oedipiens, – dans les quels, sexualité et désirs de mort sont réunis ; et, lorsque la mort apparait réellement pour le parent, déjà qu’il a été mis à l’écart en Ehpad, ou à l’hôpital, quelque chose d’inconscient et d’archaïque de ces désirs oubliés et refoulés peut resurgir, et se manifester par la culpabilité, qui va être redoublée, parce que justement, ces rituels destinés à l’apaiser, à la canaliser, ne sont pas réalisables….

    D’où, la question : les remettre à plus tard, …

    Michel Bruno

    Psychologue-psychanalyste

     

     

     

  • Actualités,  Article,  CPPR,  Définition trauma,  Psychologie,  Psychothérapie,  Psychotraumatisme

    Les conséquences psychologiques du confinement sur les victimes du terrorisme

    Le contexte actuel, nous oblige à respecter le confinement et à revoir nos vies, nos modes de fonctionnement, nos pensées et nos vies psychiques !

    Les conséquences psychologiques de ce confinement sur les patients victimes du terrorisme, est celui de la réactivation pour certains des symptômes post-traumatiques, avec comme symptôme aggravant, celui du sentiment de danger imminent, l’extérieur redevient cette menace d’un danger de mort. L’extérieur redevient l’autre ennemi caché, tout le monde devient suspect car potentiellement porteur de virus, consciemment ou inconsciemment cette pensée va réactiver la peur première du terroriste, cet individu caché qui peut surgir à tout moment et peut provoquer la mort.
    Le traumatisme du virus est renvoyé à cette idée de l’attentat terroriste qui avait surgi à un moment improbable, comme celui d’un moment de joie et de partage musical pour commettre l’irréparable.

    Le constat des psychologues du CPPR est que le virus a réactivé les symptômes traumatiques comme ceux de la peur des lieux à forte fréquentation, des grandes surfaces, des transports en communs. Parmi les symptômes, sont les troubles du sommeil, agitation psychologique, sentiment d’insécurité.

    Et pour cause, l’ennemi est invisible comme le terroriste. Nul ne sait qui il peut être : voisin, ami, collègue ? Les patients redeviennent vulnérables et fragilisés psychologiquement. Le sentiment de la malédiction pour certains revient. L’angoisse de la mort avec le sentiment d’impossibilité de s’échapper cette fois ci.

    Deux réactions psychiques sont observées, la première où le confinement est renforcé, la victime ne souhaite plus sortir de la maison car pour elle le danger de mort se trouve à l’extérieur. Dans l’autre réaction, la maison devient au contraire l’objet de l’angoisse. Ne plus sortir de la maison renvoie à l enferment au Bataclan et à la mort peut frapper de l’intérieur et empêche de fuir.

    Il arrive que pour d’autres, paradoxalement, ce moment de restriction sociale soit vécu comme un soulagement. Un soulagement qui est nettement perceptible dans les séances thérapeutiques. Soulagement de « enfin ne pas être obligé de se forcer à agir », ne pas être contraint à effectuer des actions qui sont d’ordinaire vécues comme pénibles, voir « impossibles ». Enfin, on a le « droit et même l’obligation » de ne rien faire, de rester chez soi, dans son cocon, caché au monde ».

    Bien sûr, ce soulagement est tout autant perturbant que les angoisses citées plus haut, car vécu sur un mode culpabilisant. La culpabilité de jouir de «ne rien faire » alors que dans des circonstances normales, « on serait obligé de faire ». En effet, au fond de soi-même, on sait bien que ces inhibitions de faire sont d’ordre névrotiques, phobiques. Faire ses papiers est une phobie administrative par exemple tout comme sortir simplement dans la rue et prendre le métro réveille la claustrophobie ; en névrose post traumatique ( suites névrotiques d’attentats) qui se décrit par l’évitement des lieux publics à forte fréquentation où le risque d’attentat est fantasmé comme plausible)…

    Là, le confinement qui interdit ces rassemblements de « cibles potentielles » est alors vécu comme un soulagement… et fait un temps de pause pour ces angoisses, temps qui pourra être mis à profit, justement pour travailler en thérapie….

    Donc… thérapie par téléphone, en Skype ou autre, c’est LE moment …

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