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    Résilience et transmission aux jeunes générations : pourquoi est-ce si important ?

    Intervenir auprès d’un jeune public : pourquoi est-il est important de transmettre la mémoire, nos expériences aux jeunes générations ?

    Transmettre son ressenti, son expérience personnelle, le chemin parcouru depuis l’attentat vers la résilience est un devoir de la société civile envers les plus jeunes, les futurs adultes. Le choix de témoigner est un acte conscient et a sa place au sein d’un cadre particulier, dans ce cas un échange en milieu scolaire. En effet, parler de son expérience traumatique n’est pas une tache aisée car en parler peut réveiller de vieilles blessures qui n’ont jamais cicatrisées. Les victimes d’attentats en parlent comme de « plaies béantes ». Le fait de raconter l’attentat fait revivre le moment où leur vie a basculé.  Cependant, en parler c’est sensibiliser autour du partage, de la solidarité et des valeurs humanistes, c’est transmettre l’idée sans angélisme que la terreur frappe sans distinction de couleurs, de nationalités et de croyances et qu’elle est nourrit par la haine. Transmettre son expérience c’est rappeler que les peuples vaincront l’hydre terroriste en nourrissant le dialogue, le respect et l’empathie.

    C’est justement au nom de la prise de conscience et de la transmission de valeurs qu’Asma Guenifi a répondu à l’invitation de Chantal Anglade et à Delphine Allenbach  en charge des actions éducatives en lycée au sein de l’AfVT (Association française des victimes du terrorisme) pour participer à une matinée d’échanges avec les élèves du lycée. En compagnie de Danièle Klein, membre de l’AfVT, Asma Guenifi ont témoigné sans fard sur l’expérience de victimes d’actes terroristes devant un auditoire de lycéens, avant de consacrer un temps d’échange. Les interactions étaient vives, les questions directes et bienveillantes.

    Nous avons souhaité enrichir cet article par des extraits choisis des retours de ces jeunes lycéens :

    Bakary : « Elles n’ont rien lâché. Elles n’ont pas abandonné. Elles sont rentrées dans des associations. Elles ont discuté. Elles ont été dans la rue comme des manifestations. Elles sont battues pour leurs frères, elles ont agi, elles ont montré ce qu’elles peuvent faire. »

    Kadia : « C’était bien, c’était intéressant. Ce qui était bien, c’est qu’elles n’ont pas voulu prendre leur vengeance. Elles n’ont pas voulu se venger. »

    Laetitia « Comment elles se sont remises ? C’est qu’elles ont essayé de parler, de vider ce qu’elles ont au plus profond d’elles ou même elles ont rencontré des gens qui leur ont fait changer un peu leur vie. C’est ça qui leur a fait un peu surmonté ça et elles se battront toujours pour l’honneur de leurs frères. »

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    Résilience et transmission : témoignage et échanges entre Asma Guenifi (décennie noire) et Danièle Klein (DC10) victimes du terrorisme avec élèves de 4ème1 du lycée Jean Macé (.Moment autour de la transmission, la solidarité, le #psychotraumatisme et la confiance en soi. Merci à Chantal Anglade et à Delphine Allenbach  en charge des actions éducatives en lycée au sein de l’AfVT (Association française des victimes du terrorisme) pour l’invitation ainsi qu’aux professeurs et aux élèves pour votre accueil et la qualité des échanges.

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    On dit souvent que l’histoire bégaie, et aussi qu’un peuple qui ne connait pas son histoire est condamné à la repérer.

    La résilience est la capacité de rebondir après un acte traumatique.

     

     

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    Manque de rituels, rituels manqués et deuil… durant le confinement

    Ce matin, à France Musique, un auditeur racontait que sa grand-mère venait de mourir dans une EHPAD, Seule et isolée de toute la famille. Il regrettait de ne pas avoir pu pratiquer les rituels de deuil ainsi que les rassemblements coutumiers dans ces circonstances, circonstances dramatiques de la pandémie qui empêchait et interdisait absolument toute réunion.

    Normalement quand un membre de la famille disparaît, se mettent en place toute une succession de comportements ritualisés qui introduisent la question de cette séparation définitive imposées par la mort.

    Cette question pose celle de la nécessité psychosociale de ce que l’on nomme les « rituels de deuil », mais aussi la question beaucoup plus globale de tous ces petits gestes du quotidien qui sont en réalité des « rituels sociaux » absolument incontournables. Essayez donc de passer à côté de votre voisin sans lui dire simplement « bonjour », et vous passerez pour un malotru.  Vous aurez simplement négligé un rituel social incontournable.

    D’autres petits comportements sont également des rituels auxquels nous sommes tellement habitués, que nous ne les distinguons même plus en tant que tels. Celui de se serrer la main ou de se faire une bise quand on se rencontre le matin au café ou ailleurs, celui de lancer un bonjour à la cantonade aux collègues de bureau ou à la famille quand on arrive au petit déjeune, de se dire bon appétit, juste au moment du repas, et bonne nuit le soir, par exemple… etc. etc…

    En ces temps perturbés de pandémie, une grande partie de ses rituels sociaux sont devenus impossibles, autant celui de s’embrasser le matin, entre copains, que celui beaucoup plus important du deuil et des obsèques.

    Le monsieur qui parlait ce matin à la radio expliquait son trouble et le désarroi de ses proches devant cette impossibilité d’accompagner leur grand-mère dans son dernier voyage.

    On lui avait dit que le corps avait été immédiatement mis en bière et incinéré, et qu’il récupérerait l’urne plus tard. Ce qui l’avait plongé dans un sentiment profond de désarroi, et de culpabilité de ne pouvoir accompagner sa parente…

    Se réunir, se regrouper ensemble autour du défunt, et se rassurer et se convaincre qu’on est toujours vivant, se raconter des histoires du défunt, rire de lui de nous avec lui, se souvenir de moments passés ensemble, tout cela autour d’un boire et de manger en commun font partie de ces rituels absolument incontournable qui existe depuis l’aube de l’humanité.

    Nous en avons pour preuve les tombes de Neandertal découverte, vieille de 500 à 600 mille ans et qui prouvaient que déjà l’être humain de ces temps reculés avaient une notion très particulière de la mort et donc de ce qu’il fallait faire, de comment il fallait se comporter pour accompagner le défunt dans son dernier voyage.

    Alors comment faire sans cette possibilité de ritualiser autour de la mort et ce quelles que soient nos convictions philosophiques et religieuses, quels que soient nos rituels habituels de ce moment unique dans la vie de celui qui nous quitte, c’est-à-dire sa mort.

    Caroline Eliachef dans son entretien à France Culture du 6 avril dernier expliquait que ses rituels manqués avaient été rendus impossibles en temps de guerre, du fait des villes détruites, des corps disparus, ou tout autre empêchement de ce type ; et pourtant, après les guerres, on avait réalisé des cérémonies de tous ordres, on a construit des lieux symboliques et mémoriels, ( ossuaire de Verdun, cimetières de soldats, et flamme du soldat inconnu…) et ce, lors des reconstitutions cérémonieuses de rituels de deuils bien après coup, bien après les disparitions déplorées.

    Dans le cadre du confinement dû à la pandémie, on pense que ces cérémonies aujourd’hui  impossibles pourront être repoussées, déplacées dans le temps, remises à plus tard, à quand ça sera fini, à quand on pourra de nouveau se regrouper, pour penser au défunt disparus, pour penser et éventuellement prier ensemble selon ses convictions philosophiques et religieuses.

    Ce n’est qu’une remise dans le temps à plus tard rendue obligatoire par les circonstances temporelles actuelles.

    Et, même, pourquoi ne pas imaginer organiser, grâce aux moyens vidéos, une cérémonie ensemble, chacun chez soi, avec Skype, ou Zoom, tous en ligne, pour prendre un moment rituel ensemble, sur écran peut-être, mais ensemble… ? pourquoi pas ???

    Des orchestres le font, des chanteurs le font, des psychologues organisent des séminaires de réflexion pourquoi on ne ferait pas une cérémonie dans ces conditions ?

    Il reste quand même une chose à examiner, une certaine forme de culpabilité, une culpabilité probablement provoquée par l’impossibilité du rituel, culpabilité qui pourrait parfois relancer des symptômes en lien avec un traumatisme psychique.

    Or, ne pas réaliser ces rituels de deuil, vient interroger cette culpabilité, qui est plus ou moins consciente, qui accompagne toujours l’inconscient humain, culpabilité, surtout, chez les personnes qui ont des parents, ou des grands parents en EHPAD, de ne pouvoir être là, de ne pouvoir les garder à leurs côtés.

    La culpabilité est une vieille compagne de notre psyché, elle est directement corrélée à nos désirs interdits, désirs oedipiens, – dans les quels, sexualité et désirs de mort sont réunis ; et, lorsque la mort apparait réellement pour le parent, déjà qu’il a été mis à l’écart en Ehpad, ou à l’hôpital, quelque chose d’inconscient et d’archaïque de ces désirs oubliés et refoulés peut resurgir, et se manifester par la culpabilité, qui va être redoublée, parce que justement, ces rituels destinés à l’apaiser, à la canaliser, ne sont pas réalisables….

    D’où, la question : les remettre à plus tard, …

    Michel Bruno

    Psychologue-psychanalyste

     

     

     

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